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Face aux incendies, qu’apprenons nous ?

Nous reprenons cet article déjà paru à l’été 2020 et le complétons par notre actualité brûlante sur le sujet.

Avec 16,9 millions dhectares de forêts, la France est le quatrième pays le plus boisé dEurope. Incendies et feux de forêt font pourtant planer une menace constante sur ce patrimoine naturel. Même si cela peut sembler un pourcentage encore faible, ce sont ainsi près de 20 000 hectares, qui disparaissent dans les flammes chaque année, un chiffre en constante augmentation. Particulièrement spectaculaires, deux incendies viennent de ravager 14 000 hectares dans les Landes.

Les températures extrêmes se succèdent et en Gironde le thermomètre est monté à 42°C. L’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique estime que les étés caniculaires pourraient devenir la norme à l’horizon 2040. Les feux de forêt devraient eux s’intensifier. En effet, la baisse des précipitations et l’augmentation des températures assèchent la végétation, ce qui augmente le risque d’incendies.

On observe donc l’accumulation de fortes chaleurs avec un déficit de pluie.  Moins 45% de pluies autour du site ravagé de la Teste-de-Buch, indique le Professeur Thierry Gauquelin, professeur émérite à Aix-Marseille-Université et membre de l’IMBE dans un article de Marianne. « Il y a une combinaison dans cette région à la fois de la canicule et de d’une sécheresse particulièrement importante », poursuit le scientifique. Des conditions météorologiques qui ont asséché les arbres. « Les feuilles ne contiennent que très peu d’eau », décrit encore le spécialiste dans l’article en précisant que les sols secs vont être un terreau favorable pour la propagation des flammes.

Panorama aerial wildfire is burning trees dry grass in the forest in California

A la Teste-de Buch, on déplore aussi des décisions plus ou moins judicieuses de ne pas avoir élargi les voies d’accès pour les véhicules de pompier car cela aurait impliqué des coupes d’arbres, fortement contestées par les associations usagères locales, parties prenantes à un statut juridique médiéval de la forêt d’usage.

Si aujourd’hui les régions françaises les plus touchées par les feux de forêt sont le pourtour de la Méditerranée, les Landes et la Gironde, les zones à risques pourraient prochainement remonter vers le nord de la France : dans les régions Pays de la Loire, Centre-Val-de-Loire ou en Bretagne. La saison des incendies devrait, quant à elle, sallonger.

Les forêts sont notre poumon ; face à ce changement climatique, quelques pistes de réflexion.

Renaud Barbero, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, craint que d’ici quelques années, « les incendies ne se limitent plus à juillet et août, mais commencent dès juin, mai et persistent jusquen septembre, octobre, voire plus tard» à l’image de la saison des feux en Californie qui ne cesse de s’allonger depuis 5 à 10 ans

En outre, une prolongation de la saison chaude va de pair avec une prolifération de scolytes. Dans une forêt peu compacte, ces insectes xylophages (mangeurs de bois) jouent un rôle plutôt bénéfique en abattant les arbres affaiblis ou malades. Dans une forêt où les arbres sont très proches les uns des autres, tels les épicéas ET que ces derniers sont confrontés au stress hydrique les scolytes pullulent, provoquant alors une véritable hécatombe. Depuis quelques années, les épicéas de la région Grand Est font ainsi face à une véritable épidémie de scolytes. Rien qu’en 2018, ces petits coléoptères, surnommés à juste titre « insectes ravageurs » ont causé la disparition de 400 000 m3 de ces résineux !

 

Larbre qui cache la forêt…

L’exploitation forestière implique désormais des coûts très lourds pour les propriétaires en matière de débroussaillage, élagages préventifs, ou entretiens d’ouvrages spécifiques. Ces actions qui visent à détruire la matière combustible ne sont pas forcement judicieuses comme le rappelle Jacques Hazera, forestier, dans un article qui date déjà de 2009 sur le blog Pijouls.com (le Blog de la forêt retrouvée). « La matière combustible est constitutive de la forêt : c’est précisément cette matière qui permet la pérennité de la forêt…la destruction de cette matière affaiblit la forêt» rappelle Hazera.

Par ailleurs, il explique que les incendies sont désormais à majorité déclenchés par la négligence et/ou malveillance de l’Homme. Il s’agit d’un phénomène de société qui va en s’accentuant. Face à ce phénomène sociétal et au réchauffement climatique, les forestiers peinent à trouver des alternatives, si ce n’est dans un constant effort de communication et pédagogie.

La proximité de zones fortes de tourisme comme dans les Landes est en effet un facteur qui accentue les départs d’incendies. Dans le Sud, on a vu que le départ de feu en 2020 à Martigues était en bordure de ville, puis poussé par le mistral. En 2022 près d’Avignon, ce serait un train qui aurait créé de étincelles sur la voie ferrée qui aurait démarré le feu.

Face au risque d’incendie, toutes les forêts ne se comportent pas de la même manière. On doit ainsi distinguer la forêt naturelle de celle plantée par l’Homme. Nécessaires pour l’industrie du bois, les monocultures (constituées d’une seule et unique essence d’arbre) ont montré leur vulnérabilité face aux maladies ou aux incendies. C’est le cas dans les Landes où la plus grande forêt artificielle d’Europe, composée à 85% de pins maritimes, est régulièrement victime des flammes. Ces résineux plantés sont en effet de véritables puits potentiels de départs de feux. Dans les plantations traditionnelles mono-espèces, les arbres sont par ailleurs davantage espacés, permettant d’une part le développement de broussailles, qui en séchant constituent un carburant et facilitant d’autre part la prise de vent qui apporte de l’oxygène et stimule l’embrasement de ces forêts. Enfin, dans les Landes la continuité des massifs boisés implique un embrasement progressif de tout l’espace sans réelle “barrière” naturelle, comme des vignes ou plantations d’autres arbres, comme on peut les trouver en Provence selon le Pr Thierry Gauquelin,  pour arrêter les flammes.

Dans le pourtour méditerranéen, on voit des forêts brûler chaque année. Les alentours de Marseille par exemple comptent beaucoup de terres inutilisées incendiées, non reforestées et dont les broussailles se transforment ensuite en sources potentielles de feux. Bien adapté aux sols calcaires et à la sécheresse, le Pin d’Alep est une espèce dominante dans le Sud, emblématique de la Cote d’azur, conquérante et s’installant sur les terres les plus pauvres abandonnées par l’Homme lors des exodes ruraux. C’est en revanche une essence forestière dite « pyrophyte » dont la reproduction est stimulée par le feu, ce qui favorise la propagation des incendies, d’autant que ses aiguilles deviennent, d’une année sur l’autre, de plus en plus inflammables.

 

Quelles solutions à long terme ?

Préservation de la biodiversité :

Pour lutter efficacement contre les feux de forêt, des solutions naturelles peuvent émerger. Si l’on préfère prévenir que guérir, préserver la biodiversité naturelle des forêts demeure l’un des meilleurs moyens pour renforcer leur résistance au feu. Moins fragmentées, moins exploitées, celles-ci auront un humus plus riche, apprécié des champignons qui stockeront l’eau dans le sol. Les insectes, plus diversifiés, pourront quant à eux repérer les arbres affaiblis et les digérer avant que ceux-ci ne deviennent de super combustibles. En outre, une forêt qui serait peu ou pas exploitée ni influencée par l’Homme possède souvent des arbres plus hauts, avec une canopée fermée, ce qui favorise les zones d’ombre, la formation de rosée ou de brume, augmentant ainsi le taux d’humidité du sol et de l’air et son rôle protecteur.

Plantations denses et variées : une solution ?

Même si certaines espèces ont la réputation d’être moins résistantes aux incendies, plus que la nature de l’arbre, c’est la structure de la forêt elle-même qui atténue le risque de départs de feux. Une forêt bien entretenue où le débroussaillement est effectué de manière régulière, avec des chèvres par exemple, possèdera moins de sous-végétation combustible. Autre élément à considérer, dans une forêt où se côtoient plusieurs espèces, la ramure des arbres est plus dense, et l’ombrage ainsi obtenu empêche la pousse de l’herbe et des broussaillesCette densité forestière possède un autre atout : elle fait barrage au vent ce qui limite les départs de feux ou peut ralentir la course des flammes.

Une forêt plus dense est ainsi protégée de la fragmentation causée par l’étalement urbain ou la construction d’infrastructures routières qui facilitent la propagation des incendies. Moins accessible, moins facilement arpentée, la forêt devient alors un refuge de biodiversité. Enfin, la variété des espèces est un élément déterminant, même si les impacts de nouvelles forêts plus denses et variées ont encore besoin d’être appréciés dans le temps.

Des axes à reprendre dans des efforts de reforestation des collines de Marseille ou des Landes ? Les forestiers préfèrent souvent attendre avant de replanter et pourtant ?

 

Adrienne Rey et Sophie Grenier

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