La longue histoire des (re)plantations françaises
Si le mythe d’une Gaule chevelue dépeignant une France recouverte de forêts a été écarté par les historiens, il n’en reste pas moins que l’Hexagone a longtemps été un territoire doté d’une impressionnante densité forestière. On estime ainsi à 26 millions le nombre d’hectares de forêts vers l’an 1000 ! Un chiffre qui va connaître une baisse drastique puisque au tout début du 19ème siècle, force est de constater que ce trésor vert national s’est considérablement dégradé. La superficie forestière représente alors seulement 10 % du territoire, soit un total d’environ 7 à 8 millions d’hectares de forêts.
En 1669, Colbert prend la tête du département de la Marine. La France cherche à se doter d’une flotte militaire et marchande digne de ce nom.
Or, plus de 3000 chênes centenaires sont nécessaires à la création d’un seul vaisseau, pouvant atteindre une longueur de 60 mètres. Les chantiers navals se voient donc accorder un droit de préemption, grâce à une ordonnance spéciale prise avec comme objectif la création de plus de 250 navires. L’abattage est strictement réglementé et un quart de la forêt française se voit réservée à ce seul usage.
Malgré la réforme mise en place par Colbert, la superficie forestière continue à se réduire jusqu’au début du 19ème siècle. Pour comprendre ce dépérissement, il faut se rappeler qu’avant l’avènement du charbon et de la révolution industrielle, le bois était le matériau de référence, employé aussi bien pour la construction des habitations que pour leur chauffage et la production du fer, du cuivre et du bronze de l’armement. En certaines saisons, la forêt devient également un lieu de pâturage, de cueillette et de chasse.
Aux alentours de 1830, l’État prend des mesures pour restreindre les déforestations d’une part et mettre en œuvre des plantations massives de l’autre.
En 1827, sous Charles X, un nouveau code forestier est mis en place, il jette les fondements de notre législation moderne. Inspirée par l’Ordonnance de Colbert, la nouvelle réglementation restreint encore le droit d’usage des paysans, décrétant par exemple qu’il est« défendu d’abattre, de ramasser ou d’emporter des glands ou autres fruits, semences ou productions des forêts, sans autorisation, sous peine d’une amende. »
Cette législation est loin de faire consensus et suscite la colère de nombreux paysans qui se voient privés de ressources essentielles, notamment du bois mort et de la végétation forestière collectés pour se chauffer ou servir de fourrage. La rébellion gronde. En Ariège, des paysans, déguisés en femmes pour tromper la vigilance, s’en prennent aux gardes forestiers au cours d’un épisode resté célèbre et que l’on baptisera La Guerre des Demoiselles.
La mise en œuvre d’une politique volontariste devant rationaliser et protéger les ressources forestières porte ses fruits et les forêts regagnent du terrain. En parallèle, l’industrialisation participe à réduire la pression qui pèse sur elles, notamment avec l’utilisation croissante du charbon dans l’industrie métallurgique et le chemin de fer et le désenclavement des territoires, encouragé par le développement du chemin de fer et le début de l’exode rural.
Pour autant, bien que les besoins évoluent, la forêt reste une ressource industrielle de premier plan. Si le bois est moins utilisé pour l’énergie, il l’est dorénavant pour la construction de poteaux téléphoniques et devient surtout un matériau essentiel à l’industrie minière.
Une partie des arbres destinés à la filière bois provient de nouvelles plantations mono-espèces qui répondent le plus souvent, un double enjeu : servir l’industrie et garantir la protection des territoires.
C’est le cas de la plantation la plus emblématique de France, la forêt des Landes.
Son emplacement restait depuis longtemps un lieu putride, décrit par Théophile Gautier comme« Un Sahara français, fait d’herbes sèches et de flaques d’eaux vertes ». En 1857, un projet de grande ampleur est acté devant permettre d’assainir le lieu, mais surtout de fixer les dunes du littoral qui envahissent les villes côtières, comme ce fut le cas à Soulac-sur-mer. Au total, plus d’un million d’hectares de pin seront plantés, donnant naissance à la plus vaste forêt artificielle d’Europe. Des projets similaires de reboisement sont mis également mis en œuvre au Mont Aigoual dans les Cévennes, théâtre de crues terribles, dans le Var au Mont Faron ou encore en Sologne.
En conséquence, depuis la fin du 19ème siècle, la surface forestière française a constamment augmenté, passant de 14,1 millions d’hectares en 1895 à 16,9 millions en 2019, soit 31 % du territoire hexagonal. La majorité des plantations a lieu dans les Landes, le Haut-Languedoc, le Massif Central, ou encore dans les Vosges et le Jura. L’essence la plus utilisée est le pin maritime, suivi du pin Douglas et de la famille des conifères dans son ensemble. Si, aujourd’hui, de nombreux boisements sont destinés à la production de la filière bois, de nouvelles forêts à vocation écologique voient également le jour.
Alors que la forêt était jusque là préservée par intérêt militaire ou économique, la fin du 20ème siècle voit, en effet, un changement de paradigme, amorcé lors du Sommet de la Terre qui se tient à Rio en 1992. La forêt doit désormais être préservée pour son écosystème. La déclaration finale préconise une gestion écologique des ressources en appelant à la protection des forêts, sans pour autant mettre en place de mesures contraignantes pour les États. S’en suivra une prise de conscience mondiale sur les enjeux environnementaux se traduisant par un accord historique, en 2015, lors de la COP21 où se réunissent 195 pays.
S’il nous faut protéger les forêts, l’on sait aujourd’hui qu’elles aussi, nous protègent, notamment en nous permettant de lutter contre le réchauffement climatique. D’après l’écologue Thomas Crowther, les arbres se révèlent, en effet, une « arme puissante pour lutter contre le réchauffement climatique». Constituant des « puits de carbone », les forêts captent le CO2 pour ensuite le stocker. On estime ainsi à 14 % la part des émissions de gaz à effet de serre absorbée par les forêts françaises.
Néanmoins, toutes les plantations ne se valent pas. La communauté scientifique s’accorde aujourd’hui pour dire que plus une forêt comporte une large variété d’essences, meilleure sera sa captation du carbone. Mais ce n’est pas tout, ces forêts sont aussi plus résistantes aux risques d’érosion ou d’incendie. Elles seront également plus à même de se défendre lors d’une attaque de nuisible, scolyte en tête et constituent des havres de biodiversité, véritables paradis naturels pour la faune et la végétation forestière.
Adrienne Rey
Photos : Wikipedia et JLL
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