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L’inquiétante invasion des insectes mangeurs de forêts

Depuis quelques années, un tout petit insecte fait parler de lui. Ne mesurant pas plus de 5 mm le scolyte, un coléoptère qui se nourrit exclusivement de bois, ravage les forêts françaises. Retour sur ce véritable fléau et les moyens de le combattre.

Houppiers rougissants en forme de couronnes, écorces qui se décollent, poussière blanche au pied des arbres… Pas de doute on a là affaire à une attaque de scolytes. Cet insecte xylophage (mangeur de bois) fait son apparition à l’arrivée des beaux jours, causant rapidement la mort de nombreux arbres.

S’il a toujours été présent dans nos forêts, depuis quelques années, il pullule à tel point que l’on va jusqu’à parler « d’épidémie ». En France, en 2019, deux millions de mètres cubes de bois ont ainsi subi ses attaques ravageuses. Et le pire est peut-être encore à venir… D’après Bertrand Servois, président de l’Union de la coopération forestière française (UCFF), le volume des arbres détruits pourrait en effet doubler cette année.

Toute une famille de prédateurs…

Dès que la température grimpe, les scolytes mâles se mettent en quête d’un arbre pour y percer « des chambres d’accouplement » qui serviront à la reproduction de l’espèce. Leur choix se porte sur les spécimens en situation de stress hydrique, plus faciles à attaquer. Une fois ces chambres percées, les mâles appellent les femelles qui creusent à leur tour des galeries où elles pondront leurs œufs. Arrivées à maturité, les larves se frayent un chemin en mangeant le liber, l’écorce interne de l’arbre. En règle générale, ce dernier ne survivra pas à cette invasion de scolytes.

A qui s’attaque le scolyte?

Si les scolytes ont pu récemment si bien prospérer, c’est que les conditions météorologiques se prêtaient à leur prolifération. Les étés chauds, les épisodes de sécheresse, mettent les arbres à rude épreuve. Affaiblis, ils ne peuvent plus secréter cette résine protectrice qui protège leur écorce des invasions. Des températures douces en hiver profitent ensuite aux œufs et aux jeunes larves de scolytes qui ont plus de chance de subsister et de donner naissance à une génération plus importante et plus aguerrie.

Les monocultures industrielles en cause

Mais le réchauffement climatique n’est pas le seul responsable… L’ingénieur forestier Peter Wohlleben, connu pour ses livres dont le bestseller « La vie secrète des arbres », déplore que l’on « passe sous silence la destruction des forêts primaires et leur remplacement par de gigantesques plantations monoculturales. » Selon lui, la progression du scolyte vers des contrées situées plus au nord leur est directement imputable. Outre le fait que les variétés d’arbres propres à ces contrées sont plus vulnérables à ses attaques, les espèces importées pour les monocultures industrielles sont encore moins résistantes. Un seul individu contaminé et c’est toute la plantation qui risquera très vite d’être décimée. Un fait notamment observé au sein de la filière épicéa, arbre dont le scolyte se montre très friand.

D’après Peter Wohlleben « Les pullulements qui touchent les arbres sains ont lieu uniquement, quand nous, les hommes, avons préalablement changé les règles du jeu naturelles. » Outre le réchauffement climatique, les activités humaines ont d’autres effets néfastes. La fragmentation des forêts par exemple, les coupes rases ou la création de lisières artificielles, mises en cause dans les incendies, accélèrent le dessèchement des arbres qui deviennent alors plus vulnérables aux attaques de scolytes.

Comment vaincre le grand méchant scolyte ?

Pour limiter la prolifération de ces insectes xylophages, il est important de respecter la biodiversité originelle des lieux.

Pour autant, dans une forêt saine, les scolytes ne sont pas forcément néfastes. Ils permettent même de garantir la vivacité de l’écosystème.

En effet, Suzanne Simard (écologue) et Peter Wohleben montrent dans leurs études qu’il y a donc bien une forme de communication entre végétaux reliés par leurs racines connectées au réseau du mycélium. Les arbres communiquent entre eux par un langage “chimique” qui leur permet, par exemple, d’avertir d’autres congénères lorsque le temps se fait plus sec. Un arbre en situation de stress hydrique émet lui-aussi un signal que les scolytes savent, malheureusement pour lui, décrypter.

Il est alors logique de supposer qu’en abattant les arbres les plus affaiblis, ces insectes xylophages participent à une meilleure répartition de l’eau dans le sol qui profitera à des arbres sains ou jeunes, l’arbre malade ayant cessé de pomper les ressources.

En attaquant les arbres malades ou fragilisés, les scolytes maintiennent ainsi la vivacité de la forêt, fournissant entre autre du bois mort que Peter Wohlleben va jusqu’à qualifier de « pays de cocagne » pour la faune et la flore forestière. Plus de bois mort, c’est aussi un humus de meilleure qualité, riche en nutriments et en minéraux essentiels à la bonne santé des arbres.

Adrienne Rey

Journaliste

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