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Plantation forestière : Quelles méthodes utilisons nous et pourquoi ?

Face aux enjeux actuels d’atténuation du changement climatique, la forêt est une solution fondée sur la nature (SFN) efficace pour capter du dioxyde de carbone (CO2, Boyland 2006), principal gaz à effet de serre.

Le CO2 est nécessaire à la photosynthèse, phénomène se déroulant dans les feuilles, puis, suite à des processus métaboliques, ce CO2 est transformé en biomasses aérienne (bois et feuilles) et racinaire. C’est ce qu’on appelle la productivité. De plus, la forêt apporte d’autres bénéfices environnementaux tels que l’introduction de biodiversité végétale, animale et la constitution d’un milieu de vie, la mitigation des températures, la régulation du cycle de l’eau, la réduction de la compaction et de l’érosion du sol ainsi que l’amélioration de sa qualité…etc (Liu et al. 2018).

La reforestation, une action essentielle

Entre 2000 et 2010, la surface totale forestière à l’échelle mondiale a diminué d’environ 13 million d’hectares par an (FAO, 2010). Pour pallier la déforestation et ainsi augmenter la séquestration carbone, des plantations forestières sont mises en place, notamment en Europe. Ces plantations sont généralement des monocultures permettant la production de bois.

Cependant, de nombreuses études scientifiques (Jacob et al. 2010 ; Liang et al. 2016 ; Ammer 2018) montrent qu’une forte diversité végétale, soit le nombre total d’espèces végétales d’un environnement donné, a un effet positif sur la productivité (Fig. 1). On observe alors une production de biomasse plus importante pour une plantation forestière mixte comparée à une plantation forestière en monoculture.

Figure 1 : Productivité (m3/ha/an) en fonction de la richesse en essences forestières (%) d’après Liang et al. (2016).

 

Les avantages d’une plantation forestière mixte

Cette augmentation de productivité, observée avec l’augmentation de la biodiversité végétale, est principalement due à la complémentarité de niches écologiques* (Zhang et al. 2012). Cette complémentarité va permettre une meilleure utilisation des ressources et une meilleure rétention des nutriments via la différentiation des niches et les phénomènes de facilitations interspécifiques.

Pour maximiser la complémentarité de niches, les espèces végétales du milieu doivent présenter des traits fonctionnels** complémentaires (Hooper et al. 2005 ; Amoroso and Turnblom 2006). Par exemple, sur la figure 2, on observe qu’une morphologie racinaire distincte entre les différentes espèces (forêt mixte) permet d’atteindre des ressources en eau et en nutriments qui ne peuvent pas être exploitées en monoculture (valable aussi pour d’autres ressources telles que la lumière via la stratification de la forêt). Bien sûr, cela va engendrer de la compétition entre les individus des différentes espèces, mais la compétition interspécifique est généralement plus faible que la compétition intraspécifique au sein d’un écosystème (Piotto et al. 2008). Elle a donc un effet moins limitant sur la productivité de l’écosystème.

De plus, les interactions entre les espèces sont plus riches dans un peuplement mixte qu’une monoculture ce qui apporte une meilleure stabilité et une meilleure résilience des écosystèmes face aux stress environnementaux (Verheyen et al. 2016 ; Wagg et al. 2017 ; Ammer 2018).

* Une niche écologique est la place occupée par une espèce dans un écosystème. Le terme concerne aussi bien l’habitat de cette espèce (comprenant lespace physique quelle occupe mais aussi les ressources quelle exploite) et le rôle qu’elle joue au sein de l’écosystème (sa place au sein de la chaîne trophique, les interactions positives ou négatives quelle peut avoir avec les autres espèces de l’écosystème).
** Les traits fonctionnels sont des caractères morphologiques ou physiologiques qui impactent la performance des individus via leurs effets sur leurs croissance, reproduction et survie. Chez les végétaux, les traits fonctionnels sont, par exemple, lefficacité photosynthétique du feuillage, la forme du houppier et la hauteur, la phénologie, la morphologie des racines…etc

Figure 2 : Schéma représentant une plantation monoculture et mixte et leur exploitation des ressources (exemple avec eau et nutriments).

 

Des forêts denses pour améliorer la productivité

Un autre paramètre qui peut jouer sur la productivité est la densité, soit le nombre d‘arbres/plants à l’hectare. En effet, des études ont mis en évidence qu’une plus forte densité pouvait avoir un effet positif sur la productivité (Garber and Maguire 2004 ; Amoroso and Turnblom 2006). Par exemple, Garber and Maguire (2004) ont mis en évidence qu’un peuplement forestier était plus productif lorsque l’espacement entre des individus matures était de 2m comparé à un espacement de 5m (Fig. 3).

Ce résultat est dû à l’augmentation des interactions entre espèces et ainsi une augmentation des phénomènes de facilitation. A noter, qu’à l’heure actuelle, la grande majorité des publications scientifiques sur l’effet de la densité a été réalisé avec des densités de 1000 à 3000 arbres matures/ha (soit respectivement, 1 arbre/10m² et 1 arbre/3m²).

Figure 3 : Volume de bois d’un peuplement mature (m3/ha) en fonction de l’espacement entre les individus à différents stades de développement, d’après Garber and Maguire (2004).

 

Bien sûr, l’effet de la diversité et de la densité sur la productivité est fortement dépendant des conditions environnementales du site d’implantation mais également des espèces végétales en présence. Les différentes études scientifiques traitant de ces problématiques, montrent des résultats très variables. Il est donc crucial d’approfondir nos connaissances afin de maximiser la productivité des forêts mixtes, et ainsi maximiser la séquestration carbone.

 

Treeseve : Des plantations qui répondent à une logique scientifique

Treeseve met en place des forêts très diverses (en moyenne 20 à 30 espèces végétales locales) et très denses (3 plants/m²). Comme vu précédemment, une forte diversité permet d’assurer la complémentarité des traits fonctionnels des espèces pour un bon fonctionnement de l’écosystème.

Une densité de 3 plants/m² peut paraitre beaucoup trop importante par rapport aux peuplements matures (entre 500 et 2000 arbres/ha soit 1 arbre/20m² et 1 arbre/5m²). Néanmoins, il n’est pas rare d’observer des densités beaucoup plus importantes au stade juvénile (entre 1 et 5 ans) en milieu naturel. Par exemple, il a été démontré que des plantules d’Alnus rubra pouvaient occuper un milieu avec des densités comprises entre 14 et 30 plants/m² (Shainsky and Radosevich 1992).

Il est évident, que cette densité de 3 plants/m² va diminuer au fur et à mesure que les arbres deviennent matures (une hauteur de plus de 1m30), dû à des phénomènes de compétition. Cela va ainsi permettre de sélectionner les individus les mieux adaptés et/ou les plus résistants pour un milieu donné, et ainsi imiter ce qu’il se passe dans les écosystèmes « naturels ».

En parallèle, des phénomènes de régénération vont se mettre en place avec l’arrivée de nouvelles espèces ou l’installation de plantules des espèces déjà présentes. Notre hypothèse de travail est qu’une forte densité et une forte diversité vont améliorer la productivité du peuplement comme démontré dans la littérature scientifique (Jacob et al. 2010 ; Liang et al. 2016 ; Ammer 2018) et ainsi potentiellement augmenter la séquestration carbone.

Afin de vérifier notre hypothèse, nous installons des parcelles de suivi sur chacune de nos plantations afin de collecter des données sur la croissance et la survie de nos arbres.

 

Amélie Saunier

Chargée de recherche en Écologie forestière

Amelie.saunier@treeseve.eu

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