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Pr. Akira Miyawaki, ardent promoteur d’une reforestation «grandeur nature»

La Terre perd ses forêts à un rythme inquiétant. Entre 1990 et 2015, ce sont 129 millions d’hectares qui ont disparu de sa surface, soit l’équivalent de deux fois la superficie de la France. Pour lutter contre ce fléau, des solutions existent. Le Pr.Akira Miyawaki, un botaniste japonais, a ainsi mis au point une méthode de reforestation qui permet de créer des forêts « natives » et autonomes en un temps record.

Qui était Akira Miyawaki ?

Akira Miyawaki naît en 1928 dans une famille de fermiers d’Okayama, dans la région montagneuse du Chūgoku à l’ouest du Japon. Enfant, il assiste au « dur labeur des cultivateurs, nettoyant les sous-bois et les mauvaises herbes à la main ». Quelques années plus tard, alors qu’il étudie l’écologie végétale à Tokyo, puis à Hiroshima, le jeune Akira décide alors tout naturellement de se spécialiser dans les mauvaises herbes avant d’être remarqué par un professeur d’université, Reinhold Tüxen, qui dirige l’Institut Fédéral de cartographie végétale d’Allemagne.

Auprès de ce dernier, le botaniste japonais se familiarise avec la notion de « végétation naturelle potentielle (VNP) » qui caractérise ce qui pousserait naturellement dans un lieu donné si l’homme n’y était jamais intervenu. En effet, la grande partie de la végétation mondiale a été modifiée par les activités humaines, principalement les forêts. Le concept fascinant de « végétation naturelle potentielle » n’a pas qu’un intérêt de recherche scientifique. Il recouvre des avantages pratiques que Miyawaki ne tardera pas à mettre en œuvre.

Du rêve à la réalité

Alors qu’il est de retour au Japon, Miyawaki raconte s’être réveillé en pleine nuit après avoir vu en rêve le temple d’Onzaki dans lequel se donnait de grandes fêtes populaires lorsqu’il était enfant. « Je me rappelle être sorti dans la petite cour de l’enceinte, sur les coups de quatre heures et demie du matin et alors que la musique et les danses s’éteignaient, d’avoir admiré les branches des arbres qui s’étiraient, leurs ombres noires de jais se détachant sur le ciel de l’aube ».

Ce souvenir onirique va avoir l’effet d’un acte fondateur pour le botaniste japonais. Les arbres qui entourent le temple d’Onzaki ressemblent à ceux que l’on trouve autour de tous les sites Shinto du pays. Et ces « forêts sacrées » (Chinju no mori en japonais) sont des exemples parfaits de végétation naturelle potentielle.

La méthode Miyawaki, c’est quoi ?

Cette inspiration spirituelle et ancestrale va être le point de départ du travail de cartographie de Miyawaki. Il commence par les arbres se trouvant aux abords des temples, puis bien vite son travail s’étend à l’ensemble de la végétation insulaire nippone. À la suite de ses recherches de terrain, le botaniste met au point une méthode de plantation ayant pour but de restaurer la végétation naturelle d’un lieu à partir des essences locales, tout en favorisant le développement d’un écosystème forestier durable et robuste.

La première étape consiste à effectuer un travail d’investigation permettant d’établir un profil de la végétation potentielle naturelle, de la qualité du sol et de la topographie du lieu. Une fois ce diagnostic botanique réalisé, il faut ensuite étudier et sélectionner les espèces d’arbres à planter. Comme cela demande souvent d’opter pour des essences aux racines profondes et droites, difficile à transplanter, Miyawaki propose de travailler avec des plants que l’on aura fait préalablement germer à partir de graines récoltées localement. Au moment de planter, il peut être nécessaire de dégager la terre superficielle jusqu’à 20-30 centimètres de profondeur. Pour garantir la vitalité du sol, on peut y ajouter un compost de matières organiques, composé, par exemple, de feuilles mortes ou d’herbes coupées.

On plante alors un mélange d’espèces, de manière très dense (semblable à la configuration d’une forêt naturelle), à savoir une moyenne de 20 000 à 30 000 plants par hectare, contre seulement 1000 dans les cultures industrielles.

Durant les premiers mois, quelques menus travaux de maintenance seront nécessaires (ajout d’un paillis pour garantir un taux d’humidité optimal et éviter l’érosion, retrait des mauvaises herbes…). Au cours de cette phase, les arbres se « battent » pour l’accès à la lumière et à l’eau ce qui encourage une croissance rapide. Si la norme est de 30 à 60 centimètres de croissance par an pour les jeunes arbres, grâce à la méthode Miyawaki, ces derniers poussent beaucoup plus vite, atteignant jusqu’à 1 mètre. Trois ans environ après la plantation, la forêt est devenue autonome et aucune maintenance n’est plus nécessaire.

Une méthode adoptée au niveau mondial

« En 30 ans, j’ai personnellement supervisé des études de terrain dans plus de 38 pays, et accompagné la plantation de 30 millions d’arbres », rappelait Miyawaki, en 2006, lors de la réception du prix « Planète bleue » qui consacre les travaux scientifiques œuvrant pour la protection de l’environnement.

Japon, Mongolie, Chine, Inde, Malaisie, Thaïlande… La méthode Miyawaki s’exporte aux quatre coins de la planète et s’avère même efficace dans des régions où la reforestation peut s’avérer difficile. Ce fut le cas dans les forêts tropicales de Bornéo, mais également sur le sol méditerranéen où l’aridité et le stress hydrique représentent des obstacles supplémentaires. Une expérience menée en 1997 dans la municipalité de Pattada au nord de la Sardaigne s’est ainsi révélée concluante après quelques ajustements mineurs (paillage avec de la matière sèche, débroussaillement moins important).

Des arbres robustes, à croissance rapide

L’approche de Miyawaki comporte de nombreux avantages qui la démarquent des méthodes de reforestation traditionnelles. Alors que l’on estime à plusieurs centaines d’années le temps nécessaire à la restauration aboutie d’une forêt, grâce à la méthode du botaniste japonais des résultats probants sont obtenus dès seulement une vingtaine d’années.

De plus, les forêts ainsi crées sont plus résistantes aux risques d’incendies ou d’érosion et constituent d’importants puits de carbone tout en préservant la biodiversité. Notons que cette méthode peut s’avérer particulièrement intéressante pour restaurer des terres abîmées ou surexploitées, comme ce fut le cas en Inde dans les anciennes mines de fer d’Odisha à l’est du pays.

Aujourd’hui le projet d’Akira Miyawaki continue de faire des émules partout dans le monde, en Suisse, aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, mais aussi en France.

À plus de 90 ans, le botaniste japonais n’a jamais perdu de vue son idéal. Il appelle de ses vœux l’avènement d’une « écologie créatrice » qui ne serait plus seulement le fait de la communauté scientifique ou de décisions gouvernementales, mais une action collective et citoyenne. Car, rappelle-t-il, « La forêt est la racine de toute vie, c’est la matrice qui ravive nos instincts biologiques et approfondit notre intelligence, tout en éveillant notre sensibilité d’être humain ».

Adrienne Rey

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